BERGER, D. AUTHIER, D., GALY, O., DUGAS, E. (sous la direction de). (2018). Éducation et santé, quelles altérités ? Actes du 6ème colloque de l’UNIRèS, réseau des universités pour l’éducation à la santé.
La notion de santé est une évidence pour chacun et pourtant la lecture des actes du 6ème colloque international de l’UNIRèS (réseau national de formateurs et de chercheurs spécialisés dans l’éducation à la santé) dément cette certitude ! Né de la circulaire du 8 janvier 2016 qui instaure le parcours éducatif de santé pour tous les élèves, ce colloque a réuni une quarantaine d’intervenants qui ont partagé leurs pratiques, leurs expériences de formation et leurs recherches, ouvrant la problématique dans un foisonnement d’idées. Alors que la prévention a pour but de faire baisser la prévalence d’un comportement à risque, la "promotion de la santé" est centrée sur le sujet ; elle se veut être un levier d’amélioration du bien-être et a infiltré toute la société, en particulier le milieu du soin et l’école. La mise en œuvre de ce projet ambitieux rencontre des obstacles qui sont analysés tout au long des exposés.
Au plan pédagogique, par exemple, l’éducation à la santé s’appuie sur le développement des compétences psychosociales et ne rentre pas dans les enseignements disciplinaires. À l’articulation de l’intime et du social, elle mobilise des représentations politiques, morales et affectives, qui nécessitent une pratique basée sur la réflexivité, ce qui ne va pas de soi et demande une formation spécifique. Autre exemple plus général, dans le contexte néolibéral actuel, l’éducation à la santé peut prendre forme d’une norme moralisatrice. Les dispositifs, basés sur "l’empowerment" (puissance d’agir de la personne), visent à renforcer le sentiment de maitrise de son quotidien et de son devenir, et contribuent à rendre les personnes responsables de leur état en écartant de l’analyse les autres facteurs.
Dans ce projet, l’éducation à la santé apparaît comme une construction sociale et politique complexe qui suscite des débats. Le modèle du sujet rationnel qui doit conserver son "capital santé" et normaliser ses conduites intègre maintenant des dimensions sociales et de vivre-ensemble. La santé ne relève pas que de l’avoir, mais aussi de l’être et du désir, et en tant que dynamique d’affirmation du sujet, elle échappe en partie à la prévention.
La question de l’altérité en lien avec la santé constitue la toile de fond des communications. Elle ouvre sur la notion de sujet, sur le rapport à l’identité et à la normalité. L’être humain est considéré à travers sa capacité à être en relation : il n’est pas que le produit de son cerveau, son existence a un sens pour quelqu’un d’autre.
M. N-B.