Conserver la « dimension psychologique » de la psychologie scolaire.
Par Bill Phohl, Président de l’ISPA.
Editorial paru dans World Go Round Décembre 2010 (Volume 37, N°4).
Titre original : Keeping « Psychology » in School Psychology.
( traduction et adaptation : JC Guillemard,)
J’exerce la Psychologie Scolaire depuis bientôt 41 ans. J’ai vu beaucoup de réformes, d’améliorations et de changements. C’est une profession que je tiens en haute estime et quand on me demande si je recommencerais je réponds « OUI » avec enthousiasme.
J’ai été attiré par cette profession parce que je voulais devenir psychologue. Lorsque j’ai commencé mes études, j’aimais la science, mais je connaissais peu de choses sur la psychologie scolaire avant mes études de second cycle. Récemment, on m’a demandé de réfléchir sur ce choix de la psychologie scolaire et j’ai répondu que c’était parce que c’était la science des gens où je pouvais avoir une influence. Je crois que c’est toujours vrai.
La psychologie a toujours été pour moi la « science des gens ». Certains disent que c’est le diplôme qui fait de vous un psychologue, d’autres disent que c’est la formation, d’autres encore disent que c’est votre champ d’exercice ou le type de clientèle avec la quelle vous travaillez. Mais ce qui est commun à tous, c’est que la psychologie est une science. Pour certains c’est une science humaine et pour d’autres une science naturelle, mais une science de toute façon. Puisque que la plupart d’entre nous travaillent en milieu éducatif, nous avons la tâche importante d’apporter à l’éducation les aspects les plus importants de notre science : la Psychologie.
J’ai un jour entendu dire que les psychologues scolaires tiraient leur savoir et leurs compétences du seul champ de la recherche et de la pratique psychologique et de leur application à l’école. C’est là une simplification excessive car nous avons en fait une approche bien plus large de la psychologie appliquée au système éducatif. A cette époque la recherche en psychologie scolaire était quasiment inexistante. Aujourd’hui nous disposons d’une large base de connaissances scientifiques relatives aux services scolaires. Nous sommes devenus une entité véritable au sein de la psychologie disposant de ses pratiques reconnues. Nous vivons une période passionnante quant au rôle que nous pouvons jouer dans le milieu éducatif. Nous disposons de solides bases théoriques issues de la recherche. Nous empruntons à l’éducation et à la psychologie pour offrir les meilleurs services possibles. Nous sommes uniques en ce sens que nous réussissons à changer le système en visant deux buts préalables :
construire l’efficience des systèmes éducatifs et développer les compétences de tous les élèves. Je pense que cette perspective existe en maints endroits de la planète et il est important d’inclure ces deux buts tant dans nos formations que dans nos pratiques.
Nous devons plaider en faveur d’un haut niveau de réussite scolaire, de développement socio émotionnel et de santé mentale. Les principes psychologiques et éducatifs et la résolution scientifique des problèmes conduisent ce processus. La formation prend en compte le modèle du psychologue comme « ’agent de changement » directement transférable à l a pratique (Bardon & Bennett,1974). Il est important de rappeler que nous ne pouvons pas changer chaque enfant individuellement mais que nous avons besoin de changer le système pour servir au mieux les enfants : C’est ce qui donnera le plus fort impact à nos pratiques et marquera notre différence.
Les psychologues apportent dans leur travail un corps étendu de connaissances et de compétences qui rendent ces changements possibles. Nous devons nous appuyer sur la psychologie ET sur l’éducation. Ysseldyke et al(2006) ont défini ce modèle dans l’ouvrage « Psychologie Scolaire :
Projet pour la formation et la pratique vol. III. Ce modèle mêle Psychologie ET Education pour mettre le système éducatif au service de tous les enfants. Certains dans la profession, voudraient mettre l’Education au-dessus de la psychologie. Mais puisque la psychologie est notre expertise et notre formation, nous devrions apporter ces connaissances et ces compétences dans les écoles.
Peu d’acteurs de l’école ont le point de vue unique et la base de connaissances que nous possèdons. Dans mon université, j’assure la formation d’enseignants et de psychologues scolaires. Les enseignants sont très intéressés mais ont peu de connaissances sur les aspects psychologiques de leur travail. Les enquêtes montrent que la plupart des enseignants ont peu de connaissances sur les théories basiques de l’apprentissage, sur le développement de l’enfant normal et sur la gestion de la classe. Ce sont des secteurs que nous, les psychologues scolaires connaissons le mieux. Nous savons comment mener un entretien ou collaborer avec les enseignants et les parents sur des questions telles que le développement socio émotionnel, le développement de l’enfant et comment gérer les individus. Nous savons également comment adapter nos interventions tant sur les groupes que sur les individus. Nous n’appliquons pas un modèle d’intervention valable pour tous et notre corpus de connaissances empiriques peut apporter beaucoup aux élèves, aux enseignants, aux administrateurs, aux parents à quelque niveau d’intervention que ce soit.
La psychologie scolaire est bien implantée en Europe de l’Ouest et aux Etats Unis depuis de longues années. Elle a acquis une solide réputation et aux USA il y a même un manque de places du fait qu’elle est reconnue comme une des professions phares par les diplômés de second cycle.
Alors que la psychologie scolaire s’installe dans d’autres régions du monde, je souhaite que nous conservions la dimension psychologique prioritaire de notre recherche, de notre formation et de nos pratiques.
Nous offrons une ressource unique au milieu éducatif dans lequel nous exerçons. Conservons cet acquis d’excellence.
Bill Pfohl.