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Comment sur-médiatiser un problème mal posé pour mieux masquer la destruction programmée de l’école publique républicaine.

Article de Claire Leconte, professeur émérite de psychologie, université de Lille 3 Chercheur au laboratoire PSITEC – Membre de la FFPP

samedi 12 juin 2010


Comment sur-médiatiser un problème mal posé pour mieux masquer la destruction programmée de l’école publique républicaine.

Claire Leconte, professeur émérite de psychologie, université de Lille 3
Chercheur au laboratoire PSITEC – Membre de la FFPP

Depuis plusieurs mois Luc Chatel donne à croire qu’il veut améliorer l’école pour tous en prétendant s’attaquer aux Rythmes Scolaires. Il sait bien que cette annonce fera facilement la Une des journaux et occulte ainsi les vrais problèmes.

Le rythme scolaire n’existe pas : on dit d’un événement qu’il est rythmé quand il se reproduit à l’identique en fonction d’une certaine périodicité. A l’école, rien n’est rythmé, car rien ne se reproduit à l’identique et aucune périodicité n’est régulière, ni au niveau de la journée, ni de la semaine pas plus au niveau de l’année (voir le découpage dû aux zonages).

En revanche, depuis toujours, les scientifiques dont je fais partie, dénoncent l’inadéquation de l’organisation des temps scolaires pour les élèves, au regard de leurs besoins connus du point de vue de leurs rythmes biologiques. Ce ne sera donc pas la seule incitation à la « réouverture » de l’école le mercredi matin, (mal préparée, ne tenant pas compte des nécessaires partenariats à construire pour réorganiser de façon cohérente l’ensemble des temps de vie des enfants, dont font partie les temps scolaires) qui apportera une réponse appropriée à ce problème bien réel et récurrent. De même, on suggère de libérer les après midi scolaires pour les rendre au Sport, devenu l’une des réponses à la Crise : quel sport ? Comment ? Pour quoi faire ? Avec quels moyens ? En obligeant tous les enfants à manger tous les jours à l’école, sans rentrer chez eux, très rapidement, à l’un des moments connus pour être le meilleur de la journée pour la mobilisation des processus attentionnels nécessaires aux apprentissages ?

J’ai de nombreuses fois écrit à ce propos, sans que ces arguments ne soient pris en considération par ceux qui médiatisent les propositions gouvernementales. On se rend compte aujourd’hui qu’en parfaite contradiction avec cette idée d’un ministre qui serait soucieux d’améliorer l’école pour tous, la médiatisation de ces « bonnes idées » lui permettait d’en organiser la destruction. Or ce n’est pas complètement nouveau. On a, à mon sens, trop vite oublié certaines petites phrases pourtant bien significatives de la volonté gouvernementale déjà à l’oeuvre. Peu de temps après l’implantation catastrophique de la semaine de 4 jours par Xavier Darcos en 2008, la suppression de deux heures de classe pour tous les enfants redéployées, de façon aberrante, sur ces 4 jours pour les enfants les plus en difficultés, sachant que ces deux heures sont devenues pour tous les enseignants « tout-venant » des heures d’aide personnalisée, Luc Ferry déclarait sur une radio de grande écoute que grâce aux deux heures récupérées par la suppression du samedi matin et l’obligation faite aux enseignants de les utiliser pour prendre en charge les enfants en difficultés scolaires, l’état pourra économiser 8000 postes d’enseignants spécialisés. Que ne s’est-on plus émus qu’on ne l’a fait à l’époque d’entendre un ancien ministre de l’éducation se satisfaire de voir l’école de la république devenir « rentable » puisqu’elle permettra enfin de faire faire des économies à l’état ?

Ces enfants n’ont tiré aucun bénéfice, pour leur « réussite scolaire », de ces heures mal placées dans la journée scolaire, difficiles à organiser pour les enfants très en difficultés par des enseignants n’ayant pas été formés à assurer ces missions spécifiques : le « comique » de l’affaire, si tant est qu’on ait aujourd’hui envie de rire, est que le seul point positif qui ait été relevé, pour ces moments d’aide personnalisée, est qu’une amélioration substantielle dans les relations et échanges enseignants-élèves a été relevée par tous, enseignants comme enfants comme parents, grâce au fait que ces cours se faisaient …... en petits groupes, avec effectifs réduits.

En réponse à cela, qu’est prêt à mettre en place le ministère ? Une augmentation des effectifs de toutes les classes, une suppression de tous les postes d’enseignants ayant des missions spécifiques
d’adaptation de l’école à toutes les catégories d’enfants.
Combien de politiques ayant prouvé leur intérêt bien réel pour une éducation scolaire au service de tous doivent aujourd’hui se retourner dans leur tombe. Ecoutons Henri Piéron qui, en 1948, commentait l’enterrement des propositions de la commission de réforme de l’école à laquelle il avait participé, avec Langevin et Wallon : « … je ne pense pas que l’effort dépensé a été complètement inutile, […..], car malgré les résistances politiques, financières, traditionalistes bourgeoises et routinières pédagogiques, les buts et les principaux moyens s’imposent progressivement […].

L’on ne songe plus à contester ouvertement les deux buts fondamentaux : celui de la justice sociale, à savoir le droit, pour tout enfant, d’être placé dans des conditions éducatives lui permettant d’atteindre dans la société, les situations auxquelles il peut aspirer en fonction de ses aptitudes propres, et celui de l’intérêt social qui est d’utiliser au maximum le capital intellectuel de tout l’ensemble de la population. ».

La suppression des conseillers d’orientation psychologues, des personnels spécialisés dans le primaire, le non remplacement de tous les psychologues scolaires partants, le démantèlement de l’école maternelle, la surcharge -plus grande encore- de travail prévisible pour tous les enseignants, souffrant déjà actuellement d’épuisement professionnel, prouvent s’il le fallait, qu’aujourd’hui aucun homme (ni femme) politique n’ose reprendre à son compte la volonté affichée d’Henri Piéron. C’est bien l’organisation de la destruction de l’école publique républicaine qui est en route. La mobilisation de tous ceux qui y sont attachés est plus que nécessaire.

Claire Leconte, professeur émérite de psychologie, université de Lille 3
Chercheur au laboratoire PSITEC – Membre de la FFPP





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Claire Leconte juin 2010
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Mis à jour le : samedi 12 juin 2010