Je m’oppose à la masterisation, je suis minoritaire. Pour autant, cela ne signifie pas que j’ai tort. Je souhaite expliquer pourquoi je m’oppose et pourquoi je peux ne pas avoir tort.
Dans les commentaires à l’issue des conclusions il est écrit que le débat est politique, que c’est un choix de société. Donc, c’est idéologique. L’idéologie dominante de notre gouvernement est d’utiliser une théorie néo libérale ultra minoritaire à droite avant les chocs pétroliers et devenue majoritaire et médiatique après les années 75. Cette théorie nait d’une idée très simple : les profits d’aujourd’hui feront les investissements de demain et feront les emplois d’après demain. Comment augmenter les profits ? En baissant les coûts du travail. Comment baisser les coûts du travail ? En remettant en cause les systèmes de protections sociales qui coûtent cher et en précarisant l’emploi afin de mettre en concurrence les salariés pour faire baisser le prix du travail. Dans ce cadre là , le système de protection sociale qui coûte cher est certes la sécurité sociale mais aussi les Services publics dont l’Education Nationale. Ainsi, on comprend mieux cette phrase célèbre de Ronald Reagan : "L’Etat n’est pas la solution, l’Etat est le problème", slogan appliqué par Mme Thatcher. Le problème est que les profits d’hier n’ont pas fait les investissements car ils étaient et sont toujours captés par la sphère financière au lieu de partir sur les investissements.
Dans ce cadre là , pourquoi nos propositions sont-elles jugées cohérentes et raisonnables par nos dirigeants actuels ?
La mastérisation de la profession de psychologue scolaire permet au gouvernement d’économiser la formation des psychologues scolaires. Elle correspond donc à une baisse du coût du Service Public d’Education (baisse du coût qui se traduirait par une baisse des prélèvements sociaux pour augmenter les profits). Que permet-elle encore ? De mettre en concurrence les diplômés qui seront plus nombreux que le nombre de places (il n’est pas question d’un numérus clausus) et ainsi faire pression pour une précarisation de la profession. Fiction ? Pas forcément si on examine la précarisation importante des psychologues dans les systèmes de soins (ouverture quart-temps par quart-temps des postes par la sécurité sociale sur les centres de soins type CMP, CMPP....)
Une perte pour les futurs employés du service public d’Education.
De quoi nous plaignons-nous ? Nous avons un vrai privilège aujourd’hui dans la profession d’enseignant : pouvoir évoluer et nous former à un métier différent en passant d’enseignant ordinaire à enseignant spécialisé, ou conseiller pédagogique, ou IEN ou chef d’établissement ou psychologue scolaire. Et cette formation, cette évolution se fait dans le travail, en percevant un salaire et en ayant notre employeur qui finance cette évolution. Or quel est le contexte réel aujourd’hui chez les autres professions ? Le déclassement. Le déclassement est le fait pour un employé à un certain niveau de salaire et de qualification de devoir baisser de niveau de qualification de l’emploi et de baisser son salaire. De manière la plus choquante c’est lorsqu’on propose aux salariés soit le chômage en France soit 400€ en Roumanie pour le même travail... Et nous avions, nous, une protection contre le déclassement et la chance inouïe dans le monde actuel de pouvoir avoir une formation professionnelle REMUNEREE permettant de changer de travail !!!! Nous voulons perdre cela ??? Ce n’est plus cracher dans la soupe, c’est vomir dans le caviar !!!!!!
Qui pourra devenir psychologue scolaire ?
Il n’y a pas si longtemps, devenir instit était un des moyens de promotion sociale. On n’avait pas les moyens de faire des études mais on avait la chance de n e pas être trop imbécile et on pouvait donc passer le concours pour rentrer à l’Ecole Normale. Puis est venu le temps des IUFM avec recrutement à Bac +3 et là , la sociologie de la profession a changée, la promotion sociale est devenue plus compliquée car la fac, c’est cher, tout le monde n’y a pas accès. Avec la mastérisation, ne pourront devenir enseignants que les personnes en capacité de financer 6 années d’études universitaires (on va être clément et accorder un redoublement en cursus universitaire qui n’est pas rare, vous en conviendrez). Profiter de cette aubaine pour demander un recrutement à Bac +5 des psychologues scolaires c’est accepter cette mastérisation du recrutement des enseignants là où une validation du DEPS comme master 2 était suffisante !!!
Et les RASED dans tout ça ?
Quand je relis (et croyez moi, je l’ai beaucoup relu) ce compte rendu, on prend acte de la mort des RASED. Quand je lis "évolution vers un statut spécifique et un corps unique de la maternelle à l’Université", je n’arrive pas à penser que nous souhaitions la création des RASED de la maternelle à l’Université avec les psychologues à l’intérieur. Il me semble que là , nous sortons des RASED. Or, si les RASED sont à améliorer, je ne pense pas raisonnablement que les RASED peuvent se résumer au corps des psychologues scolaires. Ce compte rendu témoigne du corporatisme énoooorme dont nous souffrons, c’est notre gangrène.
Je remercie par ailleurs Cécile de sa réaction et je partage tout à fait son point de vue.
Bref voici les raisons qui me poussent à m’indigner (c’est à la mode grace à Stéphane Hessel) contre la mastérisation. Je ne sais pas si vous le voyez mais l’AFPEN, sur le plan de la mastérisation est en train de tirer une balle dans le pied des futurs professeurs des écoles et des futurs psychologues scolaires parce que nous avons un peu oublié (un manque d’humilité ?) qu’avant d’être psychologue, nous sommes des employés, de bien petits employés et pas de graaaands psychologues avec un Titre et un diplôôôôôme.