Bonjour,
Que nous dit notre interlocutrice ?
Elle parle d’inexpérience (et donc de nécessaire expérience).
Elle pointe que le savoir théorique n’est pas suffisant à la compréhension et à la bonne gestion d’une situation.
Elle renvoie, comme beaucoup d’autres, à la fuite de la fonction d’enseignant (possiblement "terrifiante" en lien avec la gestion difficile du groupe classe et la possible montée de la violence d’un élève) vers les plus tendres paturâges de la fonction de psychologue.
Elle relève que la rencontre pédagogique est une expérience qui précède la rencontre clinique et que cette stratégie lui a été conseillée par ses superviseurs.
Elle assume son parcours qu’elle trouve judicieux et enrichissant et qu’elle ne regrette pas.
Elle défend implicitement le fait que le passage par une année de pédagogie contribue à la connaissance intime de l’institution.
Elle interpelle l’AFPEN à ce sujet, afin de faire entendre un autre point de vue possible
Question : qu’est-ce qui fait le psychologue ?
Autre grande question : un psychologue est-il psychologue partout de la même façon ? Est-il équivalent de travailler dans un environnement scolaire ou dans un service de soins palliatifs ?
Personnellement, je crois qu’on travaille avec ce qu’on est, avec tout ce qu’on est, ses théories et ses pratiques, ses failles et ses expériences de vie, sa culture et ses croyances, et que c’est justement parce qu’on les intègre à une pratique et qu’on met son "appareil à penser les pensées" non neutre au service de l’autre (et non de l’Autre) qu’on peut l’accompagner en faisant de son mieux.
Dans ce modèle plutôt humaniste, plutôt du côté de Rogers et de Milton, l’expérience de l’enseignement et la connaissance intime de l’institution paraissent essentielles et constructives.
Par ailleurs, notre appartenance au système éducatif nous marque d’un sceau auquel nous semblons trop vouloir nous soustraire et qui fait que nos interlocuteurs nous ramènent souvent à cette appartenance qui ne leur paraît pas assez marquée (preuves en sont encore les diverses remarques apparaissant dans cet article du JDP) Nous sommes des enseignants PE, dépendants des IEN et dont le matériel de fonctionnement est payé par les mairies qui nous accueillent. C’est "la réalité qui tranche".
Ces représentations concernant la fuite de la fonction enseignante de notre part sont perceptibles aussi bien chez les enseignants que dans la hérarchie de notre institution. Il n’y a guère que les enfants et leurs familles qui ne se posent aucunement la question.
Dans la catégorie "qu’est-ce qui fait résistance au statut de psychologue chez nos interlocuteurs du ministère ?" peut-être faudrait-il entendre la crainte, plus que partout ailleurs, que les psychologues échappent à l’Education Nationale, par nature rebelle puisque sa mission devrait être de former des citoyens libres. Les psychologues, par leur revendication à faire ce pas de côté, sont "les poils à gratter du système" (citation d’un des IEN croisés au cours de ma longue carrière) Ah cette tendance à être dedans / dehors... :))
Pour avancer, ne faudrait-il pas d’abord rassurer ?
Ce problème ne se pose d’aucune façon aux médecins, infirmières, assistantes sociales... de l’Education Nationale. Elles sont perçues quelques fois comme possiblement pénibles ("elle est toujours du côté des famille" ai-je entendu récemment de la part des enseignants) mais loyales à l’institution dans le regard de l’institution et de la hiérarchie. Or nous, nous sommes vécus comme les electrons libres d’un système que nous aurions fui ou auquel nous aurions souhaité échappé et auquel nous sommes potentiellement déloyaux parce que nous l’aurions trahi.
Cette crainte n’existe pas de la même façon à l’hôpital, ou dans les services de la justice, ou dans les crèches où les psychologues sont à disposition des professionnels et/ou des usagers, mais rarement des deux à la fois. Parce qu’il me semble qu’on vit moins qu’à l’école le psychologue comme tiers, entre deux parties qui peuvent se dresser l’une contre l’autre : les enseignants d’un côté, les familles et leurs enfants de l’autre, le psychologue à qui on demande une "évaluation" de la situation pour savoir de quel côté ça va pencher... Dans les autres institutions comme en pratique thérapeutique, le psychologue sert plutôt de tiers à une seule partie !
La création des postes de référents, leur développement, la ligne budgétaire avec téléphone, ordi, frais de déplacement et primes, leur détachement des IEN et leur rattachement aux IA ASH n’a posé absolument aucun problème à personne. Pourquoi ???? Il me semble qu’une des réponses possibles réside dans le fait qu’ils ne génèrent aucune inquiétudes chez leurs interlocuteurs. Ils ont changé paisiblement de fonction, sans crise identitaire, sans revendications à haut bruit, sans changement de statut, mais avec de nouvelles obligations et de nouvelles contraintes (dont le temps de travail) et formations auxquelles ils se plient car c’est leur intérêt personnel et professionnel. En échange de quoi, on leur a donné tout naturellement beaucoup d’avantages pour servir.
Pour conclure :
- pour nos interlocuteurs du ministère, pourrions-nous associer la proposition de recrutement externe à une année de stagiairisation de psychologue de l’Education Nationale, avec supervision et surtout un engagement à mettre en place un module de formation à la déontologie institutionnelle, à la connaissance de l’institution et de son organigramme, à l’éthique de la fonction publique. Le moindre fonctionnaire territorial se voit demander de réfléchir à sa nouvelle appartenance catégorielle. Et pour nous, il suffirait d’un titre universitaire ?
- pour nos adhérents, ne faudrait il pas développer une stratégie de communication possiblement utilisable en direction de nos partenaires (enseignants, mairies, ....)
Associativement,
Patricia Garouste