La psychiatre Marie-Rose Moro et l’inspecteur d’académie Jean-Louis Brison détaillent les principales mesures du plan santé des jeunes annoncé par l’Elysée le 29 novembre.
Marie-Rose Moro est professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-Descartes ; elle dirige la Maison de Solenn-Maison des adolescents de Cochin (AP-HP) à Paris.
Jean-Louis Brison est inspecteur d’académie et inspecteur pédagogique régional. Tous deux sont coauteurs d’un rapport « Mission bien-être et santé des jeunes », publié le 29 novembre, dont s’est inspiré le plan annoncé par l’Elysée.
Ils ont été chargés de cette mission par trois ministères : la santé, l’éducation nationale et la ville, la jeunesse et les sports.
EXTRAITS :
Nous vous proposons la lecture de l’axe 4.
MISSION BIEN-ETRE ET SANTE DES JEUNES
Création du corps des psychologues de l’éducation nationale PsyEN
État des lieux
Les rapports entre la psychologie et l’éducation ont toujours été contrastés. Autant la psychologie cognitive a su s’imposer dans le champ de la pédagogie, de la didactique, de la construction des apprentissages et du développement, autant les approches cliniques ont été et sont encore insuffisamment mobilisées pour l’accompagnement des jeunes dans leur vie scolaire.
Dans le premier degré les missions des psychologues scolaires, dont l’existence résulte des préconisations du plan Langevin Wallon (1945), sont restées dépendantes du statut d’enseignant du premier degré. Ces missions ont été principalement orientées vers le fonctionnement de l’institution et d’identification des élèves en échec ou inadaptés. La prise en compte de la diversité et de la complexité des difficultés psychologiques rencontrées par les élèves est restée secondaire. Le travail des psychologues s’est trouvé ainsi concentré, pendant de nombreuses décennies, sur l’usage des tests psychométriques, le calcul du QI des élèves en grande difficulté et le fonctionnement des commissions de l’enseignement spécial.
Dans le second degré comme dans l’enseignement supérieur, l’usage du titre de psychologue n’a été « concédé » aux conseillers d’orientation qu’en 1991. Toutefois, si leurs missions a comporté une dimension psychologique indéniable, elles sont restées très fortement dictées par des préoccupations institutionnelles : choix de filière de formation, procédures d’affectation, lutte contre le décrochage scolaire et plus récemment construction des parcours des jeunes comme des adultes exerçant leur droit au retour en formation. De plus, les emplois du temps des conseillers d’orientation-psychologues sont souvent demeurés « embolisés » par la réalisation des bilans requis par la maison départementale des personnes handicapées.
Contexte
On ne peut que le déplorer mais, à ce stade, tous les personnels du système éducatif, officiellement désignés pour exercer des missions de psychologues, sont davantage sollicités pour réguler le système lui-même que pour analyser les problèmes psychologiques des élèves. Les débats et les consultations préparatoires à la loi de refondation de l’École de la République ont permis, en 2012-2013, de mettre l’accent sur la nécessité de faire évoluer en profondeur la prise en compte par l’École des difficultés psychologiques rencontrées par les jeunes. Ainsi, qu’il s’agisse des conditions de leur orientation, de la bienveillance qui doit s’exercer à leur endroit, du climat et de l’écoute dont ils doivent pouvoir bénéficier, une nouvelle approche de la place de la psychologie dans le système éducatif se dessine. Le projet de création d’un corps unique de psychologues de l’éducation, au service de missions redéfinies, s’inscrit dans cet horizon nouveau.
Les années qui viennent de s’écouler ont vu apparaitre de nouvelles formes de malaise au sein des établissements accueillant des adolescents et des jeunes adultes. Aux difficultés personnelles inhérentes à certains jeunes, sont venues se greffer des inquiétudes relativement inédites liées aux incertitudes grandissantes sur l’avenir, à la prolifération des théories du complot, au prosélytisme en matière de radicalisation, au racisme et à l’antisémitisme décomplexés, etc. Ces malaises ont pu générer, chez les élèves, des nouvelles formes de souffrances. Ces mal-être se conjuguent bien souvent pour beaucoup avec des souffrances personnelles déroutantes. Souvent démunis face à ces manifestations, les familles comme les enseignants expriment de plus en plus fréquemment le besoin d’offrir aux jeunes – et parfois à eux-mêmes - la possibilité de trouver au sein des établissements une écoute attentive et qualifiée en psychologie.
La création d’un corps unique
La création du corps unique de psychologues de l’éducation est en cours. Les psychologues scolaires et conseillers d’orientation-psychologues actuellement en poste représentent un effectif de 7500 professionnels pour plus de 12 millions d’élèves des premier et second degrés, soit en moyenne 1 psychologue pour 1600 élèves. Ils seront intégrés dans le nouveau corps unique dans le courant de 2017.
La mission souhaite que soit accélérée la procédure de création du nouveau corps et qu’il soit donné à cette réforme un écho efficace auprès des enseignants, des parents et des élèves eux-mêmes.
La mission rappelle enfin que cette création est qualitativement d’autant plus nécessaire que le nombre des emplois consacrés à la psychologie à l’École reste, en France, inférieur, toutes choses étant égales par ailleurs, à ceux des pays européens. Le ratio moyen dans l’Union Européenne est de 1/800 (1/600 en Finlande, souvent évoquée pour l’excellence de son système scolaire…).
Cette création concourt à l’installation, au cœur des établissements, d’un dispositif médico-psychosocial qui, associé à un répertoire opérationnel des ressources et des procédures partagées, permettra de mieux repérer et accompagner les adolescents et les jeunes adultes qui manifestent des signes importants de mal-être.